Pour travail non réalisé, un tailleur-couturier arrêté par des militaires



Dans la soirée de ce mardi, les bukaviens sont embarrassés par l’arrestation de Kapapa*, tailleur et tenancier d’un petit atelier de couture situé sur avenue Mbaki dans la Commune d’Ibanda. Il est reproché à Kapapa de n’avoir pas remis à temps les pagnes (Super Wax) d’une dame. 

Kapapa cousait ces pagnes depuis plus d’un mois, dépassant remarquablement le délai convenu avec sa cliente. Pris de colère, la dame n’est pas restée apathique. Grâce à ses connaissances dans les milieux des gouvernants, elle choisit de faire intervenir des militaires pour arrêter Kapapa. Du coup, deux militaires débarquent dans son atelier. 
L’homme est d’abord menacé, intimidé puis giflé. Dans ce pays où seuls les nantis ont droit aux menottes "originales", Kapapa a les bras attachés par des cordes en plastique. Il est trainé à pied tout le long de la route qui mène au camp militaire Saïo où une petite cellule l’attend.

"Pour une affaire civile, pourquoi faire appel aux militaires ? Quel est finalement le rôle d’un policier ?" s'interroge un journaliste d'une radio confessionnelle installée sur l'avenue. Cette scène nous rappelle, sans nul doute, l’époque de Mobutu où chaque individu lésé avait le privilège de faire intervenir un militaire pour se rendre justice, moyennant quelques sous. Les temps ont changé mais les comportements sont restés les mêmes. D’aucuns se demandent si la RDC a véritablement quitté la deuxième république.

En attendant, Kapapa est détenu « provisoirement » dans une cellule. Et ici chez nous, la détention provisoire a ses péripéties, un affront au bon fonctionnement de l’appareil judiciaire. Kapapa commence ainsi une nouvelle lutte, celle de retrouver sa liberté, au prix d’énormes sacrifices.  

* Kapapa, nom de code pour protéger l’honneur et la sécurité du tailleur

Des milliers de femmes enceintes sur les routes de Bukavu : Un spectacle hallucinant !



Ce  matin vers 10h30’, la circulation est totalement bouchée au niveau de la Cathédrale Notre Dame de la Paix de Bukavu. Des milliers de femmes enceintes sont en train de traverser la route, très lentement, dandinant dans tous les sens. Plus loin, encore d’autres. Chacune d’elles avec un bidon d’eau entre les mains. Je descends du véhicule qui me ramène au centre-ville. Je suis curieux de savoir ce qui se passe. 

Maman Yasmine, une jeune femme de Panzi que je rencontre au sortir de la Cathédrale, avec d’autres milliers de femmes, viennent de recevoir des bénédictions du Père Ricardo, un célébrissime exorciste de Bukavu. « Il a mis de l’huile sainte sur le visage et sur le ventre de chaque femme, puis il a béni l’eau mélangée de sel, que chacune de nous emporte chez elle », m’explique-t-elle, affaiblie par le poids de son ventre. 

Chaque premier mercredi du mois, ce père xavérien dit la messe à la Cathédrale de Bukavu au cours de laquelle il enseigne, prie et bénit les femmes enceintes. Elles viennent de tous les coins de la ville pour répondre à ce rendez-vous. Il y en a qui font le déplacement de Nyangezi, de Kamanyola et même d’Uvira. Leur nombre est tellement élevé que la messe est dite à l’extérieur en plein air, autour de la pelouse qui entoure la Cathédrale de Bukavu. 

Dans cette messe spéciale qui dure près de trois heures, aucun homme n’y est admis. Sauf quelques acolytes et diacres qui accompagnent le prêtre. Les femmes qui ne sont pas enceintes, ne sont pas les bienvenues non plus. Gare à la fraudeuse !
 « Quand on est enceinte, c’est en ce moment là que les ennemis nous guettent. Les démons sont partout. Il faut donc beaucoup prier et faire bénir nos bébés encore dans les ventres », me confie Anastasia, une femme venue de Kamisimbi. 

La scène est plus rocambolesque au sortir de la messe. A cet instant, l’artère principale de Bukavu est submergée par des femmes enceintes, marchant à pied pour la plupart: Exercice physique des femmes prégnantes oblige ! « C’est beau à voir mais c’est surtout rigolo », lance un agent d’une société d’assurances non loin de là. Et d’ajouter : « Les hommes de Bukavu ne dorment pas!», comme pour ironiser ces hommes qui sacrifient leur sommeil pour "engrosser".

Devant cette scène spectaculaire, tout porte à croire que réellement les bukaviens ne badinent pas en matière de grossesses. Selon UNICEF, 288 bébés naissent chaque mois dans le seul hôpital de Chiriri à Bukavu... Lorsque les conditions de vie seront convenables à Bukavu, le Père Ricardo n’aura-t-il pas davantage de pain sur la planche ? Saura-t-on compter le nombre des femmes enceintes à Bukavu? En attendant, la ville accueille d’ici la fin de l’année des milliers de nouveaux nés. Reste à savoir si le planning familial des couples bukaviens est correctement suivi.

Doudou Kajangu sur Twitter: @DoudouKajangu