Pour une place dans le bus de Bagira…


Le Samedi passé, j’avais décidé de passer ma soirée à Bagira. Je voulais découvrir « Sombrero », une buvette en vogue et tant vantée par les jeunes de Bukavu. Bagira est la troisième commune de Bukavu. Très peu d’activités commerciales et administratives s’y déroulent. Pas d’université, pas de grand marché, pas de bibliothèques. Un seul cybercafé fonctionne pour des milliers d’habitants. Bagira est surnommé «commune dortoir». Ses habitants n’y retournent que pour dormir, après avoir passé pendant la journée toutes leurs activités dans la commune d’Ibanda et de Kadutu.

Je débarque à 17h40 à la Place de l’Indépendance. J’attends un bus. Les taxis sont rarissimes et toujours pleins. Autour de moi, des femmes, des enfants, des jeunes et même des vieillards. Tous attendent un bus pour « Bagdad ». Après 20 minutes d’attente, enfin un bus au loin. Aussitôt, une jeune femme me lance en swahili : « Grand-frère, j’ai un bébé sur moi et je dois aller préparer de la nourriture pour ses frères ! ».  Je n’y comprends rien du tout ! Tout le monde me semble pressé.

Quand le bus arrive, c’est tout le monde qui accourt. Sans gêne, chacun déploie toute son énergie physique pour entrer dans le bus. Tant pis pour les infirmes et autres invalides ! Je n’ai plus reconnu ces jeunes enfants et ces vieux qui étaient à mes côtés et que je semblais choyer. Et bien, comme tout le monde, je me bats aussi. Quelques secondes après, je trouve une place, assez confortable. Mais à l’entrée du bus, un vieillard épuisé par la lutte, n’arrive pas à se trouver une place. Il est obligé de redescendre et d’attendre un autre bus, peut-être incertain. Pris de pitié, je descends du bus et lui cède ma place.

Certains de ceux qui avaient raté ce bus, choisissent de faire le pied sur ce tronçon de plus de 6 km. D’autres comme moi, décident d’attendre le prochain. « Il faut avoir mangé et réunir suffisamment d’effort pour se trouver une place dans les bus ici, surtout les samedis ! », me lance Dunia, un nouvel « attentiste » qui s’est joint à moi. 
J’ai tout de suite pensé à Kigali où je vois des gens faire des files pour entrer dans les bus. A Bukavu, les gens sont loin de s’organiser dans ce secteur. Et l’Etat, au travers les instances chargées d’assurer l’ordre dans les transports en commun, lâche du lest…

Impatient d’attendre un autre bus qui ne venait toujours pas, et déçu par cette épreuve de musculature qui m’attendait, j’ai résolu de retourner chez moi. Et depuis, je n’ai jamais plus visité « Sombrero » !

A quelques mois des élections, le chantier 'Route' de plus en plus visible à Bukavu


Dernièrement, un ami m’a demandé de parler dans ce blog de quelque chose de positif.  Et bien voilà, ça tombe bien! Enfin un constat positif, mais toujours aussi baroque.  A seulement quelques mois des élections présidentielles prévues le 28 novembre prochain, Bukavu ressemble désormais à un vaste chantier. Les piétons, les conducteurs des taxis, les motards et autres transporteurs sont incommodés par des travaux en cours sur la voirie urbaine de la ville de Bukavu. 
 
Du marché de Nyawera en passant par la route de l’ISP-Major Vangu au quartier Essence, de la Place de l’Indépendance jusqu’au quartier Industriel, des engins chinois et congolais sont à pied d’œuvre pour répondre au vieux desideratum de la population de Bukavu : De bonnes routes urbaines. Des maisons construites anarchiquement sur le long de la « Route d’Uvira » sont en pleine démolition  par des tracteurs de l’Office des Routes pour faire respecter les frasques et marges tracées sur ces routes depuis l’époque coloniale.
  
« Ces travaux sont l’œuvre du gouvernement national, initiée par le Chef de l’Etat dans le cadre des 5 chantiers de la République », déclarait le Gouverneur de Province sur les ondes d’une radio locale.  A la question de savoir pourquoi attendre la veille des élections pour initier ces travaux, Chishambo a cette réponse : « Ça n’a rien à avoir avec les élections. Nous sommes un gouvernement responsable, qui a un programme et qui fait son travail normalement et progressivement… »

Dans les rues de Bukavu, les avis restent partagés. Gertrude est informaticienne dans une ONG internationale. Pour elle « c’est la première fois depuis plusieurs années que ces routes sont reconstruites. Donnons à ce chantier une chance, peut-être que cette fois-ci les choses marcheront. » 

Mao est motard. Sur sa moto qui me dépose à l’Edap/ISP, il me lance: « ces travaux ne sont que des mascarades pour les prochaines élections. Pourquoi ne les avoir pas commencés tôt ? Je suis sûr que ces travaux ne seront jamais achevés aussi longtemps qu’il n' y a pas d’hommes sérieux à la tête de ce pays ». Et d’ajouter que  « ces chinois ne font que nous rajouter de la poussière, déjà omniprésente en cette saison sèche ». 

L’allure que prend de plus en plus le chantier Route dans la ville de Bukavu étonne plus d’un. D’où le doute qu’éprouvent certains bukaviens sur sa qualité et sa durabilité. Ce chantier ne ressemble-t-il pas aujourd’hui à une équipe de football menée 1-0 à une minute de la fin du temps réglementaire ? Les « joueurs » semblent enfin motivés à marquer le but de l’égalisation. Le but qui pourrait changer le score, placer l’équipe en bonne position et remettre les supporters en confiance. Quoi qu’il en soit, à quatre mois des élections, Bukavu change.  Et très rapidement. Vive les élections!